06.05.1999 Le Monde
Philippe Lemaître

Interview: Carlos Westendorp, the High Representative”Trois Questions a’ Carlos Westendorp”

Vous ętes le haut-représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine. Quelles sont, d’aprčs vous, les répercussions des événements du Kosovo en Bosnie-Herzégovine ?

Elles sont grandes, sur tous les plans. Au niveau des réfugiés d’abord. Depuis le début des frappes, 40 000 sont arrivés en Bosnie; 16 000 sont des musulmans du Sandjak (province de la Serbie) qui ont peur, 15 000 sont des Kosovars, les autres sont des Serbes. Ils viennent ajouter leurs problčmes ŕ ceux des 800 000 déplacés que compte la Bosnie.

En termes économiques, il est clair que le blocus ne facilite pas les choses. L’essentiel des exportations de la République serbe de Bosnie (RS), notamment de produits agroalimentaires, est destiné ŕ la Yougoslavie. Et on en arrive ŕ la composante politique. Les Serbes ont des liens émotionnels avec leurs cousins de Yougoslavie. Milosevic et ses alliés extrémistes les exploitent pour chercher ŕ déstabiliser le gouvernment de coalition modéré qui dirige la RS. Nous nous efforçons de le protéger. Une fois Milosevic vaincu – et nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas le vaincre -, les forces modérées l’emporteront partout, les plus récents sondages le prouvent, y compris dans la partie croate, et il deviendra plus facile d’exécuter les accords de Dayton. Il faut absolument que l’OTAN en finisse avec le régime de Belgrade.

En Bosnie, le retour des réfugiées ne s’est pas produit. Peut-il en aller autrement au Kosovo ?

En Bosnie, les Musulmans sont effectivement peu revenus dans les régions majoritairement serbes et les Serbes dans les régions majoritairement musulmanes. Mais au Kosovo, oů le nettoyage ethnique a été presque total, le problčme est d’une autre ampleur. L’important, c’est de garder les réfugiés ŕ proximité du Kosovo et de ne pas trop les répartir en Occident: les gens qui y arrivent comme réfugiés politiques y deviendront en effet vite des émigrés économiques… Le retour des réfugiés exige un statut politique stable, la présence d’une force multinationale, mais aussi la présence d’un régime démocratique ŕ Belgrade.

Que pensez-vous du pacte de stabilité pour les Balkans ?

L’autonomie du Kosovo doit en effet s’inscrire dans un pacte de stabilité pour les Balkans, avec respect des frontičres et protection des minorités dans un cadre démocratique. Il faut un plan Marshall, mais, encore une fois, il faut aussi garantir la stabilité retrouvée par une force de pacification. Quelle sera la durée de sa présence ? Pour commencer, au mois cinq ans.