16.07.1999 Le Monde
Lucas Delattre

Interview: Carlos Westendorp, the High Representative”Trios Questions a’…Carlos Westendorp”

Quelles leçons tirez-vous, pour l’avenir des Balkans, de votre expérience en tant que haut représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine depuis 1997 ?

Si nous réussissons ici, c’est toute la question balkanique qui peut être résolue. On ne peut pas oublier la Bosnie, il faut l’inclure comme un élément-clé dans le pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est. Le vice d’origine, en Bosnie, a été de ne pas décider la mise en place d’un protectorat international. On a opté pour une formule très légère: la communauté internationale n’a pas de pouvoir sur la police, l’armée, la justice, l’administration… Nous exerçons une autorité d’assistance avec certains pouvoirs de coercition. Il est trop tard pour revoir le système en Bosnie, mais, au Kosovo, je pense que ça devrait être différent. Il y a un risque de pagaille si l’autorité civile au Kosovo n’est pas assez robuste. Il y a des erreurs à ne pas répéter.

Quels sont les principaux obstacles qui continuent à se dresser sur le chemin de la paix en Bosnie ?

Ici, la situation est celle d’une paix sans confiance. Il faut constamment maintenir la pression pour imposer, par exemple, la lutte systématique contre le crime organisé. Le problème, ici, c’est la classe politique. Les gens ont besoin d’avoir une vie normale, il y a un climat de réconciliation spontanée.

Quelles sont les principales avancées obtenues après trois ans et demi d’application des accords de Dayton ?

Il y a des réussites matérielles évidentes et je fais passer beaucoup de lois, comme celle qui permet la liberté de circulation. Aujourd’hui les communautés éthniques se parlent, ce qui n’était pas le cas il y a deux ans. Prenons l’exemple de la réforme de la justice: bien sûr, la communauté internationale ne peut pas aller jusqu’à prendre en charge les salaires des juges, ce serait impossible financièrement. Mais nous renforçons les pouvoirs du procureur et son indépendance. Nous faisons passer des lois qui visent à améliorer la sélection des juges, nous révisons les nominations passées… Mais il faudra une génération pour que la réconciliation agisse.