Office of the High Representative Interviews

Interview with Carlos Westendorp, High Representatitve of the International Community in BiH

« C'est peut-être trop tard »

Le Figaro, 29 janvier 1999

Haut représentant de la communauté internationale en Bosnie, Carlos Westendorp, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères, est l'un des principaux candidats déclarés au poste de «Monsieur PESC», l'homme qui sera chargé de donner une plus grande visibilité à la « politique étrangère et de sécurité commune » de l'Union européenne.


Le Figaro: Le problème du Kosovo peut-il être résolu en suivant le modèle adopté pour la Bosnie ?

Les problèmes sont semblables et le traitement doit être similaire. Il s'agit de parvenir à une solution négocié où le Kosovo deviendrait une province très autonome de la Yougoslavie ou de la Serbie. Mais je ne sais pas s'il n'est pas déjà trop tard et si l'indépendance du Kosovo n'est pas devenue inéluctable.

Les accords de Dayton n'ont été possibles que parce qu'il y avait des troupes de l'ONU en Bosnie. Faut-il prévoir une force terrestre au Kosovo ?

Avant Dayton, il n'y avait en Bosnie que des forces de l'ONU. La présence massive de troupes de l'Otan n'est intervenue qu'après. Elle est garantie par les accords de paix auquels Milosevic a souscrit. Au Kosovo, une présence terrestre sans l'accord des deux parties ne serait pas une force de pacification mais une force d'intervention. Cela équivaudrait à une déclaration de guerre contre un Etat militairement puissant.

Une conférence sur le Kosovo est-elle possible ?

Pour arriver à une conférence de type Dayton, il faudra beaucoup de pression et je n'exclue pas l'usage de la force.

L'indépendance du Kosovo remettrait-elle en cause l'édifice construit en Bosnie ?

Cela aurait des conséquences en Bosnie mais aussi en Albanie, en Macédoine et en Bulgarie, ou il y a aussi des minorités, et en Grèce et en Turquie. La solution au Kosovo c'est une autonomie où les droits de la minorité seraient garanties et où les Albanais auraient leur gouvernement. Mais cela implique la coopération de Milosevic. S'il ne coopère pas, il sera responsable de l'indépendance du Kosovo. Car l'UCK est en train de créer une situation extrême en menant une politique du hara kiri: l'indépendance ou la mort.

« Il faut du temps »

La guerre au Kosovo complique-t-elle la situation en Bosnie ?

En Bosnie, il faut du temps pour que la réconciliation nationale s'installe après une guerre civile. C'est possible. Mais avec une plaie ouverte à 200 km de là, il faudra maintenir en permanence en Bosnie une force equivalent à celle que nous avons maintenant. Cela ne facilite pas le déploiement d'une force au Kosovo: la disponibilité des pays de l'Otan n'est pas illimitée.

La France a été accusée de complaisance vis-à-vis des criminels de guerre en Bosnie. Qu'en pensez- vous?

La présence militaire de la France est exemplaire et fondamentale. Elle fait un très bon boulot. Il y a eu parfois une sorte de guerre psychologique mais les troupes françaises de l'Otan ont montré récemment leur détermination à Foca. C'est le coeur des ténèbres, l'endroit où il y a la plus grande densité de criminels de guerre au monde. Malheureusement l'opération a fait un mort (NDLR: Dragan Gagovic, criminel de guerre présumé, a été tué le 30 avril). Cela arrive parce que les criminels de guerre sont des gens dangereux qui ne se rendent pas volontairement au tribunal de La Haye.

Propos recueillis par Pierre ROUSSELIN


Interview with the HR, Le Figaro, 29 January 1999