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Que s'est-il passé à Belgrade ? Carlos Westendorp: C'est la démocratie qui s'impose. Il est très difficile de lutter contre la démocratie lorsqu'il y a une demande dans le pays. Il est très difficile de refuser le vote quatre jours avant les élections en soulevant des problèmes connus depuis un an. Nous avons dit à Krajisnik que la communauté internationale ne comprendrait jamais pourquoi ils ne veulent pas participer à ces élections. Nous n'avons rien contre lui, ni contre son gouvernement. Nous ne sommes pas en faveur d'une personne contre l'autre. Mais la perception est la suivante, et toute image est importante en politique: Mme Plavsic est la présidente de la République. Elle représente la démocratie même si elle a un passé douteux. Elle veut appliquer Dayton et lutte contre la corruption. De l'autre côté, il y a Karadzic. La simplification est le bien contre le mal. Le gouvernment de Pale doit coopérer avec la communauté internationale au bénéfice de la population serbe. Et s'il le fait, cette perception pourra changer. Des municipalitiés pourraient changer de mains. Pourquoi les Serbes de Pale ont-ils finalement accepté de voter ? Cet argument s'explique en République serbe, mais joue en sa faveur dans la Fédération. Il y a des Serbes qui vont voter dans des villes comme Drvar. C'est précisément cette raison qui empêche les Croates d'aller aux élections. J'espère qu'ils vont changer d'avis. Qu'attendez-vous de ces élections ? Ce ne seront pas des élections modèles, parce qu'il n'y a pas encore les conditions parfaites de liberté dans les médias et la police. Or ce sont les deux clés de voûte de la réussite d'une démocratie dans ce pays. Le seul moyen d'avancer dans la démocratie, c'est à travers des élections. Celles-ci seront meilleures que les élections de l'année passée, et pires que les élections de l'année prochaine. Ces élections sont municipales... Le pouvoir communal est le pouvoir moderne, le plus proche du citoyen. Ici, faute d'un véritable Etat non seulement au niveau de la Bosnie-Hérzegovine mais aussi des entités, le pouvoir local est le plus important. Il n'y aura pas de résultats dramatiques pour les partis dominants: le SDS, le SDA ou le HDZ. Ce sont des partis monopolistiques. Ils dominent les médias. Mais, petit à petit, d'autres partis se présenteront et auront de meilleurs résultats. J'ai dit aux Serbes: pourquoi boycotter les élections maintenant, et les ajourner d'un mois par exemple, si Mme Plavsic n'a pas eu le temps d'enregistrer son parti. Voulez-vous attendre un mois pour qu'elle présente des candidats ? L'argument est le poids. Mais elle, par contre, préférait avoir les élections municipales de suite, convaincue que beaucoup de candidats (du SDS) la rejoindront. Vous dites qu'il n'y aura pas de changements "dramatiques". Mais si les réfugiés votent, le pouvoir va basculer dans certaines municipalités ? Oui, il y aura des résultats retentissants dans certaines municipalités. Srebrenica en est certainement une. Drvar une autre. Cela dit, je ne comprends pas cet argument de ne pas faire des élections lorsque le parti n'a pas assuré la victoire. C'est un raisonnement qui échappe à ma mentalité occidentale. Cet argument est honteux et dérisoire. Pourtant, c'est la seule raison. Que va faire la communauté internationale après les élections, lorsqu'il faudra installer ces conseils communaux ? Peut-elle éviter la situation actuelle à Jajce où le maire musulman est en exil, et le maire croate en ville ? Tout est préparé. Il y a non seulement une supervision de l'OSCE, mais aussi un arrangement pour la mise en oeuvre endéans un mois des résultats de ces élections. La tâche est confiée à l' OSCE et au bureau du Haut représentant (OHR). Si les accords ne sont pas exécutés, il y aura des sanctions, l'isolement, les mesures...classiques La communauté internationale garantit aux Serbes de Bosnie qu'aucun criminel de guerre ne sera arrêté à la sortie des urnes. Que pensez-vous qu'il faille faire après les élections ? Rééditer une opération comme celle qui a été faite à Prijedor en juillet ? Ou passer à une pacification ? Je suis toujours pour la pacification, mais cela n'exclut pas une coopération avec le Tribunal international de La Haye. Les inculpés devraient aller au tribunal d'eux-mêmes. C'est bon pour eux, puisqu'on ne peut pas toujours vivre aux aguets. S'ils n'y vont pas volontairement, ce sont les autorités locales qui doivent le faire. La dette doit être payée, tôt ou tard. Sinon il n'y aura pas de vie normale dans ce pays. Maintenant, ci ces deux façons d'aller à la Haye ne sont pas remplies, ce sera une partie de la communauté internationale, certains pays, certaines organisations qui devront le faire. Karadzic ira à la Haye. Est-il autorisé à voter ? Non, comme personne inculpée par le tribunal, ses droits civiques sont suspendus par l'OSCE. Pourquoi avez-vous accepté cette tâche ? Qu'est-ce qui vous motive ? Je l'ai accepté en sachant à quoi je m'exposais. J'avais une vie heureuse à New York, une maison formidable. J'étais avec ma famille, mais je savais que cette mission est importante pour moi évidemment, mais aussi pour une cause à laquelle j'ai toujours cru: la paix et l'intégration européenne. Cela vaut la peine d'y consacrer plusieurs années d'une vie professionnelle. Le travail, sur le plan personnel, est très dur. Je suis coupé de ma famille. Je suis obligé de voler un peu de temps pour les voir. Parfois, je suis critiqué pour cela, mais je vais continuer à le faire car ma famille est aussi importante que le travail. Ce sera difficile car il y a toujours des crises dans ce pays. Entretien: Christophe Lamfalussy
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